La protection et la restauration des monuments sont considérées comme une invention de la Renaissance. À travers quelques exemples et une réflexion sur la notion de monuments et de vestiges, cette contribution entend éclairer l'attitude de l'Antiquité gréco-romaine face aux ruines et ouvrir la voie à une étude comparée des pratiques de conservation et de reconstruction.
« J'avais mes heures de service, que je passais dans ce qu'un très vieil écriteau appelait cabinet d'Archéologie... Au-dessus de l'écriteau on avait gribouillé conservateur des Antiquités. » (I. Dombrowski, Le conservateur des AntiquitésLe héros du roman de I. Dombrowski est un jeune archéologue qui, en 1937, est nommé conservateur au musée d'Alma-Ata. Son travail consiste à mettre un peu d'ordre dans une cathédrale transformée en musée et qui recèle des collections du xixe siècle. Bientôt la découverte d'un trésor par des paysans vient briser la monotonie des jours. A travers l'histoire de la découverte de ce trésor se déploie une intrigue qui emmène les personnages progressivement au cœur de la machine policière stalinienne. Derrière l'archéologue détective sont à l'œuvre d'autres enquêteurs méticuleux au service de la raison d'État.Accumulation, bric-à-brac, indices : le conservateur des Antiquités est là pour mettre de l'ordre dans des ensembles aléatoires, et son travail dans la réserve appelle l'enquête sur le terrain qui est la métaphore de la véritable enquête policière. Cette volonté d'ordre, de sériation, de classification est inséparable de l'archéologie moderne qui est devenue comptable de la moindre trace, du moindre tesson.
Le temps des synthèses paraissait clos. L'histoire nouvelle était avant tout monographique. Voilà que le livre de Paul Veyne vient nous rappeler qu'il y a encore place dans l'histoire universitaire pour une certaine aventure conceptuelle. Son travail surgit dans une province reculée peu ouverte aux influences extérieures, enfermée dans ses traditions. Si l'érudition pèse encore de tout son poids, c'est bien en histoire ancienne. Et pourtant Veyne attaque sur tous les fronts, il se collette avec la méthode, s'empoigne avec le vieil héritage marxiste, s'attrape à la sociologie allemande. La diversité même de ses intérêts, l'immense et sélective culture qu'il convoque permet aux uns et aux autres de trouver dans son travail un complice aussi inattendu que brillant. L'art de l'allusioneffusion, de la provocation et de la fuite déployé dans Comment on écrit l'histoire trouve un terrain plus vaste dans Le pain et le cirque.
Il est des disciplines vouées à la fixité comme d'autres au renouvellement : au premier abord, l'archéologie paraît sans mystère et, s'il existe encore un refuge pour le vieil humanisme, c'est bien là qu'on peut espérer le trouver. Depuis la constitution au XIXesiècle des règles de l'érudition classique, le développement des « sciences de l'Antiquité » s'est poursuivi sans transformation majeure et sans crise. En témoignent la longévité des collections scientifiques, l'ampleur des encyclopédies et la prospérité des institutions. Imagine-t-on les pays développés entretenir des observatoires dans tous les points du globe qui sont encore le siège de cultures « archaïques » ? Et pourtant, cette observation attentive qui fait défaut à l'ethnographie est réservée à chaque foyer de culture « classique » : à Rome, Athènes ou Le Caire, les Instituts archéologiques sont aussi nombreux qu'anciens.